Boaz Asleep by Victor Hugo

BOAZ ASLEEP (“Booz s’était couché.”)

by Victor Hugo

Translation by BP. ALEXANDER [original French is below the English]

This medieval illustration by William de Brailes shows Ruth meeting Boaz, as Hugo describes in his poem "Boaz Asleep."

[click image to view larger]
“Ruth Meets Boaz as she gleans (Ruth 2:4-16)”
by English scribe and artist
William de Brailes, c. 1250

[Above: Boaz allows Ruth to glean in the field, below: Ruth sleeps at Boaz’s feet.]
Image from The Walters Art Museum (W.106.18R)
Creative Commons License

from Hugo’s volume of poems, La Légende des siècles

collected in Poems by Victor Hugo, 1888

{Bk. II. vi.}

At work within his barn since very early,
Fairly tired out with toiling all the day,
Upon the small bed where he always lay
Boaz was sleeping by his sacks of barley.

Barley and wheat-fields he possessed, and well,
Though rich, loved justice; wherefore all the flood
That turned his mill-wheels was unstained with mud
And in his smithy blazed no fire of hell.

His beard was silver, as in April all
A stream may be; he did not grudge a stook.
When the poor gleaner passed, with kindly look,
Quoth he, “Of purpose let some handfuls fall.”

He walked his way of life straight on and plain,
With justice clothed, like linen white and clean,
And ever rustling towards the poor, I ween,
Like public fountains ran his sacks of grain.

Good master, faithful friend, in his estate
Frugal yet generous, beyond the youth
He won regard of woman, for in sooth
The young man may be fair—the old man’s great.

Life’s primal source, unchangeable and bright,
The old man entereth, the day eterne;
And in the young man’s eye a flame may burn,
But in the old man’s eye one seeth light.

As Jacob slept, or Judith, so full deep
Slept Boaz ‘neath the leaves. Now it betided,
Heaven’s gate being partly open, that there glided
A fair dream forth, and hovered o’er his sleep.

And in his dream to heaven, the blue and broad,
Right from his loins an oak tree grew amain.
His race ran up it far, like a long chain;
Below it sung a king, above it died a God.

Whereupon Boaz murmured in his heart,
“The number of my years is past fourscore:
How may this be? I have not any more,
Or son, or wife; yea, she who had her part.

“In this my couch, O Lord! is now in Thine;
And she, half living, I half dead within,
Our beings still commingle and are twin,
It cannot be that I should found a line!

“Youth hath triumphal mornings; its days bound
From night, as from a victory. But such
A trembling as the birch-tree’s to the touch
Of winter is an eld, and evening closes round.

“I bow myself to death, as lone to meet
The water bow their fronts athirst.” He said.
The cedar feeleth not the rose’s head,
Nor he the woman’s presence at his feet!

For while he slept, the Moabitess Ruth
Lay at his feet, expectant of his waking.
He knowing not what sweet guile she was making;
She knowing not what God would have in sooth.

Asphodel scents did Gilgal’s breezes bring—
Through nuptial shadows, questionless, full fast
The angels sped, for momently there passed
A something blue which seemed to be a wing.

Silent was all in Jezreel and Ur—
The stars were glittering in the heaven’s dusk meadows.
Far west among those flowers of the shadows.
The thin clear crescent lustrous over her,

Made Ruth raise question, looking through the bars
Of heaven, with eyes half-oped, what God, what comer
Unto the harvest of the eternal summer,
Had flung his golden hook down on the field of stars.

 

******Original French****

BOOZ ENDORMI

Victor Hugo

Booz s’était couché de fatigue accablé;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire,
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.

Ce vieillard possédait des champs de blés et d’orge;
Il était, quoique riche, à la justice enclin;
Il n’avait pas de fange en l’eau de son moulin,
Il n’avait pas d’enfer dans le feu de sa forge.

Sa barbe était d’argent comme un ruisseau d’avril.
Sa gerbe n’était point avare ni haineuse;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse:
—Laissez tomber exprès des épis, disait-il.

Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc;
Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.

Booz était bon maître et fidèle parent;
Il était généreux, quoiqu’il fût économe;
Les femmes regardaient Booz plus qu’un jeune homme.
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.

Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants;
Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l’oeil du vieillard on voit de la lumière.

Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens;
Près des meules, qu’on eût prises pour des décombres,
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres;
Et ceci se passait dans des temps très anciens.

Les tribus d’Israël avaient pour chef un juge;
La terre, où l’homme errait sous la tente, inquiet
Des empreintes de pieds de géant qu’il voyait,
Était encor mouillée et molle du déluge.

Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,
Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée;
Or, la porte du ciel s’étant entre-bâillée
Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.

Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
Qui, sorti de son ventre, allait jusqu’au ciel bleu;
Une race y montait comme une longue chaîne;
Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.

Et Booz murmurait avec la voix de l’âme
‘Comment se pourrait-il que de moi ceci vînt?
Le chiffre de mes ans a passé quatre vingt,
Et je n’ai pas de fils, et je n’ai plus de femme.

‘Voilà longtemps que celle avec qui j’ai dormi,
O Seigneur! a quitté ma couche pour la vôtre;
Et nous sommes encor tout mêlés l’un à l’autre,
Elle à demi vivante et moi mort à demi.

‘Une race naîtrait de moi! Comment le croire?
Comment se pourrait-il que j’eusse des enfants?
Quand on est jeune, on a des matins triomphants,
Le jour sort de la nuit comme d’une victoire;

‘Mais, vieux, on tremble ainsi qu’à l’hiver le bouleau.
Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe,
Et je courbe, ô mon Dieu! mon âme vers la tombe,
Comme un boeuf ayant soif penche son front vers l’eau.’

Ainsi parlait Booz dans le rêve et l’extase,
Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés;
Le cèdre ne sent pas une rose à sa base,
Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.

Pendant qu’il sommeillait, Ruth, une moabite,
S’était couchée aux pieds de Booz, le sein nu,
Espérant on ne sait quel rayon inconnu,
Quand viendrait du réveil la lumière subite.

Booz ne savait point qu’une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d’elle,
Un frais parfum sortait des touffes d’asphodèle;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.

L’ombre était nuptiale, auguste et solennelle;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.

La respiration de Booz qui dormait,
Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.
On était dans le mois où la nature est douce,
Les collines ayant des lis sur leur sommet.

Ruth songeait et Booz dormait; l’herbe était noire;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement;
Une immense bonté tombait du firmament;
C’était l’heure tranquille où les lions vont boire.

Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l’ombre
Brillait à l’occident, et Ruth se demandait,

Immobile, ouvrant l’oeil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.

***

More Victor Hugo Resources